Genève-Lausanne
Fondateurs et directeurs: Gilbert Trolliet, Jean Descoullayes
Présence est fondée par Gilbert Trolliet et
Jean Descoullayes en 1932; ils la dirigent conjointement entre les
villes de Genève et Lausanne. Entre 1932 et 1934, huit
numéros voient le jour, puis la revue augmente son rythme de
publication en 1935 (dix numéros annuels). Des dissensions
internes (certains reprochent à Gilbert Trolliet, qui tient les rênes de la revue, de lui donner un profil trop intellectuel et
réflexif, ce qui, selon eux, a fait perdre à Présence
la mission d'émulation artistique qui la
caractérisait au départ) lui valent des
désabonnements qui annoncent la fin de la revue en 1936,
année où la parution se limitera à trois numéros
et lors de laquelle le comité lausannois démissionnera
en bloc.
Dans les années 1930, Présence est
une tribune importante pour les auteurs qui n'ont pas
accès aux organes institutionnellement forts du moment; elle
constitue en cela un contrepoids à la presse dominante
d'obédience conservatrice qui détient le
quasi-monopole de la critique artistique. S'y côtoient
dès ses débuts des collaborateurs reconnus: C.F.
Ramuz, Paul Budry, Henri-Louis Miéville, et une nouvelle
génération d'intellectuels et
d'écrivains: Denis de Rougemont, Gustave Roud, Albert
Béguin. Certains prennent part aux débats idéologiques
de leur époque et défendent le renouveau artistique
aussi bien dans le domaine de la littérature que de la
musique, de la peinture et de l'architecture. Le sous-titre du
périodique, «Revue de littérature, de
philosophie et d'art», témoigne de cette
volonté d'adopter un regard complémentaire entre
les domaines artistiques et de tenir un propos réflexif, dans
le sens d'un engagement par la défense des valeurs
humanistes. Des auteurs français sont également
sollicités dans le but explicite de bâtir des ponts avec le
public d'outre-Jura: Tristan Tzara, Jean Audard, Jean Cassou,
Georges Ribemont-Dessaignes, que Gilbert Trolliet a rencontrés
lors de ses séjours parisiens.
Les éditoriaux
signés Gilbert Trolliet inscrivent le périodique dans
les courants non conformistes du début des années 1930,
autour notamment du personnalisme d'Emmanuel Mounier. Les
valeurs défendues par Trolliet sont les mêmes que
celles de ses homologues français: comme eux, il recherche une
alternative à la montée des extrémismes de gauche et de
droite, tout en constatant l'échec des démocraties
capitalistes dans un contexte de crise économique. Les auteurs
publiés dans Présence développent ainsi
un discours centré sur la réhabilitation de valeurs
plus spirituelles et immatérielles, dans la perspective de
défendre un nouvel humanisme. Pour ce faire, ils convoquent la
recherche artistique, comprise comme l'expression d'une quête métaphysique et universaliste. La revue ne prône
donc pas l'action politique, ce que certains lui reprocheront,
son engagement ne se décelant que dans les articles à
caractère philosophique et littéraire.
Présence,
malgré sa durée relativement limitée, a
ouvert une voie nouvelle que reprendront à leur compte d'autres
revues, notamment Suisse romande et Suisse contemporaine,
qui recruteront en grande partie les mêmes collaborateurs.